Commentaire de la première lecture du 4e dimanche de Carême, 10 mars 2024 — Diocèse de Bourges

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Commentaire de la première lecture du 4e dimanche de Carême, 10 mars 2024

Second livre des Chroniques au chapitre 36,14-16.19-23

Commentaire de la 1ère lecture du 4ème dimanche de Carême, année B

10 mars 2024

Second livre des Chroniques au chapitre 36,14-16.19-23

 

 

Les livres des Chroniques sont considérés comme des compléments aux livres de Samuel et des Rois, qu’ils reprennent en grande partie. C’est en fait un livre unique, présentant un vaste panorama historique depuis la création de l’humanité jusqu’au 5ème siècle de notre ère, après le retour d’exil. L’auteur reste inconnu. Il semble issu des milieux proches du Temple, vers 350-330 avant notre ère. Le Chroniste écrit à partir de nombreux documents historiques et prophétiques qu’il a sous les yeux et dont certains ont été perdu depuis. La place centrale est accordée à l’histoire de la royauté davidique, avec idéalisation des figures de David et Salomon, les rois qui ont projeté puis construit le Temple de Jérusalem. Le Temple et le culte sont au centre, ainsi que les ministres du culte, prêtres et lévites.

Le chapitre final n°36 est très court, 23 versets, et c’est ce que nous lisons aujourd’hui. Il s’agit d’un abrégé sur les derniers rois de Judas, la déportation à Babylone, l’évocation des 70 ans d’exil prédits par le prophète Jérémie et l’Edit de Cyrus, rendant possible le retour.

Lecture du texte de 2 Ch 36,14-16.19-23

Trois étapes, la première (v.14-16) donne les raisons théologiques de la fin historique du royaume de Juda et de son Temple. La responsabilité est collective et vient de haut : des « chefs des prêtres et du peuple ». Ils se sont distingués par un comportement païen, autrement dit par leur idolâtrie, suggérée par les mots « infidélités » et « abominations ». L’idolâtrie ambiante profane le Temple, que le Chroniste désigne comme la « maison du Seigneur », consacrée par lui à l’époque du roi Salomon. L’évocation balaie largement le temps en rappelant tous les prophètes, tous les messagers que le Seigneur a envoyés par pitié pour son peuple et pour sa Demeure, « sans se lasser ». La réponse des Judéens nous fait penser à la parabole des vignerons homicides, qui figure dans les trois évangiles synoptiques (Mt 21,33-44). Elle renvoie à l’accusation du prophète Jérémie (7,25ss) : « Améliorez votre conduite pour que je puisse habiter avec vous en ce lieu. (le Temple) Depuis que leurs pères sortirent du pays d’Egypte jusqu’à ce jour, je n’ai cessé de leur envoyer tous mes serviteurs les prophètes, chaque jour, inlassablement. Mais ils ne m’ont pas écouté (…) Dis-leur donc : « Voici la nation qui n’écoute pas la voix du Seigneur son Dieu. »

La seconde étape décrit le châtiment, réalisé par l’invasion des Babyloniens en 597 puis 586 avant notre ère sous Nabuchodonosor, la ruine des remparts, des palais royaux, du Temple, avec le départ des captifs vers Babylone. Tous ne sont pas partis. On constate qu’à l’époque où le Chroniste écrit, Jérémie est considéré comme un prophète authentique, car sa prédiction s’est réalisée : 70 ans d’exil, 70 ans de repos de la terre d’Israël, c’est-à-dire 10 fois 7, « pour compenser tous les sabbats profanés. » On voit l’attention du Chroniste au Décalogue : Le respect du sabbat fait partie des dix commandements, justifié par le repos du 7ème jour après la Création du monde. (Exode 20,8-11)

La troisième étape de notre texte est tout simplement la copie du début du livre d’Esdras. Elle résume le changement historique de la destinée des juifs, à partir du moment où les Perses ont vaincu les Babyloniens sans coup férir, en 539 avant notre ère : « Le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse. » Le Chroniste se réfère à l’Edit de Cyrus II Le Grand, consigné par écrit. Au 19ème siècle, on en a retrouvé une copie sur un cylindre d’argile cuite appelé cylindre de Cyrus. Notre texte en donne un extrait : l’attestation de l’autorité du Roi de Perse due à son gigantesque empire. La taille en est même exagérée : « tous les royaumes de la terre » mais c’est ce que dit l’édit original, fait à la gloire du roi Cyrus et du Dieu babylonien Marduk. La politique libérale du roi perse lui fit laisser partir les populations cruellement déportées par les Assyriens et les Babyloniens vers leur pays d’origine, avec les statues de leurs dieux, ce qui entraînait la reconstruction des temples. C’était une politique générale. Le cylindre dit : « Je ramenai les divinités qui y habitaient et je leur fis une demeure pour l’éternité ; je réunis toutes leurs populations et je les rétablis dans leurs demeures. » On ne voit pas là d’allusion explicite au retour des juifs ni à la reconstruction du Temple. Le livre d’Esdras comme le Chroniqueur ont en revanche un point de vue juif sur l’évènement. C’est Cyrus qui parle : « Le Dieu des cieux m’a chargé lui-même de lui bâtir une Maison à Jérusalem, qui est en Juda. » A Babylone comme à Jérusalem, on est roi parce que Dieu l’a voulu ; seul change le nom du Dieu : Marduk ou YHWH. A tous les deux convient le nom qu’on trouve ici : « le Dieu des cieux ».

Psaume 136 : lecture

C’est le fameux psaume de lamentation des exilés, connu sous son début latin, « Super flumina Babylonis ». Nous en avons lu 6 versets sur 9, les trois derniers étant vengeurs et violents selon la loi du talion, contre le peuple d’Edom qui s’était réjoui de l’anéantissement du Royaume de Juda.

Les fleuves de Babylone, c’est en particulier l’Euphrate qui traverse l’antique Babylone. L’exilé juif évoque avec nostalgie la patrie perdue, Sion, l’antique cité de David, autrement dit Jérusalem, où l’on pouvait chanter dans le Temple un « chant du Seigneur ». Dans les religions antiques du Moyen Orient, le dieu est celui du lieu où l’on habite : on ne peut louer YHWH en terre étrangère, malgré la demande absurde et moralement torturante des vainqueurs. Suit un serment de fidélité du psalmiste à sa ville donc à sa foi. YHWH reste le « sommet de la joie » d’Israël en exil. Nous sommes sensibles à la poésie concrète de ce psaume.

 

Jacqueline Avrin