Commentaire pour le dimanche des Rameaux, 24 mars 2024, année B — Diocèse de Bourges

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Commentaire pour le dimanche des Rameaux, 24 mars 2024, année B

La passion selon S.Marc 14,1-15,47

Commentaire pour le dimanche des Rameaux, année B, 24 mars 2024,

La passion selon S.Marc 14,1-15,47

 

Chaque dimanche des Rameaux, nous lisons un texte d’Isaïe, suivi de l’hymne des Philippiens dans saint Paul, consacrée à l’humiliation du Christ. L’évangile de cette année, année B, nous offre le récit de saint Marc, moins connu que celui des autres évangiles, c’est pourquoi le Père Cothenet nous en propose un commentaire, sans lecture. A vous de la retrouver dans votre Bible ou votre missel de l’année.

Des quatre récits de la Passion celui de Marc est le plus ancien, le plus sobre, le plus émouvant parce qu'il nous montre la solitude croissante de Jésus, abandonné de tous et même, semble-t-il, de son Père.

Il fut écrit à Rome, après la persécution de Néron (en l'an 64), marquée par l'héroïsme des martyrs, mais aussi par le scandale de délateurs. C'est pour réconforter une communauté si inquiète de son avenir que Marc rédigea la première vie de Jésus.

La date

Le premier mot du texte donne le ton : Pâque, la grande fête commémorant la délivrance de la servitude d'Egypte. La chronologie de Jean est différente : chez lui, la passion se déroule le jour d'avant la fête, si bien que Jésus meurt à l'heure où, au Temple, on immolait les agneaux de Pâque. Ce qu'on retiendra de Marc, c'est l'ambiance pascale dans laquelle se déroule le drame.

Un trait de lumière donne le sens des événements. Une femme apporte un parfum de grand prix pour oindre la tête de Jésus. Signe d'affection débordante, évoquant une onction royale, ou gaspillage ? Jésus prend la défense de cette femme, dont le geste annonce sa sépulture prochaine (Mc 14,8). Ce signe est si important qu'on le rapportera partout où l'Evangile sera proclamé.

Le soir venu, c'est dans la tristesse que commence le repas de fête. « L'un de vous me trahira. » Tous sont donc appelés à s'interroger. Selon l'usage Jésus prononce la bénédiction sur le pain : « Tu es béni Seigneur, notre Dieu, roi de l'univers, qui fais sortir le pain de la terre. » Puisque ce pain doit être brisé pour être distribué, il devient signe du don que Jésus fait de lui-même en s'engageant sur la route de la passion. La formule sur la coupe est la plus développée. Le verbe répandre évoque le sang dont Moïse aspergea l'autel et les fils d'Israël en signe d'alliance. (Ex 24,8) L'eucharistie s'inscrit ainsi dans une longue tradition, mais en s'ouvrant à « la multitude », selon la prophétie du Serviteur souffrant (Is 53), à laquelle Jésus s'était déjà référé : « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mc 10,45)

L'agonie

Cette scène est la plus émouvante, la plus surprenante de toutes. Selon le code d'honneur de l'Antiquité, un guerrier affronte la mort la tête haute. Un sage comme Socrate s'entretient paisiblement avec ses amis sur l'immortalité de l'âme avant de boire la cigüe. Or ici, rien de tel. Jésus est tellement accablé qu'il demande la prière de ses intimes, Pierre, Jacques et Jean. Eux s'endorment, laissant le Maitre seul devant son Père : « Abba, tout est possible devant toi. » Abba, l'appel d'un enfant s'adressant à son papa, le cri d'admiration de Jésus devant son Père, maitre du ciel et de la terre. (Mt 11,25) Ici l'humble supplication de celui qui demande à échapper à la grande épreuve. En même temps respectueuse soumission.

Terrible solitude de Jésus qui, même de ses intimes, n'a pu obtenir le secours de leur prière. La dernière consigne, « Veillez et priez pour ne pas succomber à l'épreuve », renvoie au Pater et à la parabole du portier  attendant le retour du maître. (Mc 13,33-37) Veiller est l'ultime consigne à tenir.

La comparution devant le Sanhédrin

Pour Marc, le procès juif est capital, révélant les raisons fondamentales de l'opposition des Juifs à Jésus. L'expulsion des vendeurs du Temple a cristallisé l'opposition des grands prêtres contre le prophète de Galilée qui perturbait le culte en déclarant : « Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations. » (Mc 11,17) Cette ouverture universaliste s'opposait de front au courant identitaire séparant fils d'Abraham et païens.

Malgré les divergences entre accusateurs, le grand prêtre passe au sujet essentiel : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? » « Je le suis, répond Jésus. Et vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir parmi les nuées du ciel. » Cette proclamation associe  la vision de Daniel sur le Fils de l'homme qui vient sur les nuées célestes pour l'avènement du Règne de Dieu, et le psaume messianique 109, dont Jésus avait déjà débattu avec les scribes. (12,35-37)

Le blasphème ! Il s'agit donc de l'identité du prophète de Galilée. Pour Marc, cette scène tient une place essentielle dans son témoignage sur Jésus Christ, Fils de Dieu (1,1). La bonne nouvelle, ce n'est pas une idéologie, mais une personne.

Le reniement de Pierre

Quel contraste entre la déclaration de Jésus et la veulerie de Pierre, le fanfaron, qui tremble devant une servante et renie son maître ! Disciple de Pierre, Marc ne cache rien des faiblesses de son maître. Pas de culte de la personnalité ! Pas de Santo, subito !

Le procès romain

Seul le gouverneur romain avait droit de vie et de mort. Il fallait donc trouver un motif politique pour motiver l'accusation. Cet homme se prétend roi des Juifs et met ainsi en cause le pouvoir en place. Rappelons que cette époque a été marquée par bien des révoltes, toutes écrasées impitoyablement (Ac 5,38sv). Barabbas fut l'un de ces rebelles, Pour les premiers chrétiens, il était donc urgent d'éviter toute confusion. Face à ses accusateurs, Jésus se tait. Etonnant silence, plein de dignité comme celui du Serviteur (Is 53,7).

Entre deux sessions, une scène de cruelle dérision, où la soldatesque se déchaîne contre le prétendu roi des Juifs. En finale, malgré les réticences de Pilate, la foule réclame à grands cris la condamnation : « Crucifie-le. » Jésus est ainsi abandonné par son propre peuple.

Le crucifiement

Sur le chemin du Calvaire, Simon de Cyrène sera réquisitionné pour permettre au condamné d'aller jusqu'au bout. Ses fils Alexandre et Rufus sont connus de la communauté romaine. L'écriteau confirme le caractère politique de l'exécution. Par contre les insultes des passants reprennent les motifs religieux du procès au Sanhédrin.

Les ténèbres qui recouvrent la terre sont le signe du grand Jugement (par exemple Amos 8,9s ; Sophonie 1,9sv). A l'heure même où Jésus expire, un coup de vent déchire le rideau qui isolait le Saint des Saints du reste du sanctuaire. Ainsi donc est ouvert à tous l'accès à la présence divine,

La seule parole de Jésus en croix est une citation en araméen du Ps 21 : « Eloi, Eloi, lamma sabachtani. » Elle a donné lieu à de vives controverses. A s'en tenir à ce seul verset, on conclut à l'abandon par Dieu du crucifié, chargé du péché du monde, fait ainsi malédiction pour nous obtenir la bénédiction (Ga 3,13s). Telle est l'exégèse luthérienne.

Par contre, si l'on tient compte de l'usage juif qui ne sépare pas le début d'une supplication de l'action de grâces pour le salut escompté, l'interprétation change. Selon Marc, le dernier cri de Jésus entraîne la proclamation du centurion : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu. » Lui, un étranger, est le porte-parole de la communauté croyante. Les femmes qui, de loin, ont assisté au drame se retrouveront au matin de Pâques devant le sépulcre ouvert et entendront l'Ange de la Résurrection : « Allez dire aux disciples et à Pierre : Il vous précède en Galilée. Là, vous le verrez, comme il vous l'a dit. » (16,7)

La Galilée des nations où, selon Matthieu, le Christ envoie ses disciples au monde entier. C'est ainsi que, pierre après pierre, s'édifie le nouveau Temple, non fait de main d'homme, maison habitée par l'Esprit, fondée sur le Christ, pierre de fondation. (1 P 2,5-7)

E. Cothenet