PASTORALE DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP (PPH)
Journée Nationale des RDPPH et de leur équipe- Jeudi 17 mai 2018 – Apport de Christine B
DU SCEJI A LA PASTORALE DES PERSONNES HANDICAPEES : quelques points de repère
« La PPH est neuve dans son organisation actuelle même si une longue histoire l’a précédée.
Nous commençons tout juste à prendre la mesure des changements que produisent les dernières lois.
Ces évolutions bouleversent, nous amènent à porter attention à tous les types de handicaps, à créer
des partenariats tant avec la société civile qu’avec les associations et mouvements chrétiens, et surtout
à envisager notre pastorale avec et non pour les personnes handicapées. Une situation déconcertante
qui rencontre des résistances en nous-mêmes et autour de nous… Une situation qui invite à la créativité,
à l’audace, à la confiance ! » (Lettre d’au revoir de Claudie Brouillet)
I : De 1959 à 2007 ou l’émergence d’une action pastorale en France
1959 : Création du Secrétariat Catholique de l’Enfance inadaptée (SCEI)=} informer, coordonner. Sa
mise en place est confiée à la commission « Enfance et Jeunesse » de l’épiscopat français
Dans la même période :
- Constitution d’associations laïques au service des personnes handicapées (UNAPEI Union
Nationale des Parents d’Enfants Inadaptés1960 – APAJH Association pour adultes et jeunes
handicapés 1962- …)
- Constitution d’une aumônerie de l’éducation surveillée pour les mineurs délinquants ou en
danger moral à partir de aumôneries de prison
- Création d’un « service de pédagogie catéchétique spécialisé » par le centre national de
l’enseignement religieux
A l’origine de cet élan d’Eglise nouveau : le Père Henri Bissonnier (1911-2004) (1) : le premier à se
préoccuper de l’ouverture des personnes handicapées à la réception de la grâce de la foi et de leur
aptitude à approfondir cette foi
En 1964, le SCEI devient Service Catholique de la Jeunesse et de l’Enfance Inadaptée SCEJI
En 1965 : son rôle important auprès des pouvoirs publics et des ministres ou secrétaires d’Etat chargés
des affaires sociales l’amène à se constituer en association loi 1901. C’est aussi l’époque où ce service
s’inscrit de plus en plus fortement dans les politiques pastorales des diocèses.
Les lois successives en faveur des personnes handicapées (notamment 1975 et 2002), la mise en place
de nouvelles structures au sein de l’Eglise de France (1981 la Pastorale de la santé, 2004 le Conseil pour
la Famille et les questions sociales) marquent l’évolution de ce service (Cf. Mission et compétence du
SCEJI, document de l’Assemblée plénière de l’Episcopat – Lourdes, 29 octobre 1981 (2))
En résumé : PCS et PPH sont issus de la même souche, du même fondateur pour que la personne même
très handicapée soit reconnue comme « capable de Dieu » et que des pédagogies adaptées – pédagogie
de la résurrection – lui soient proposées. PCS et SCEJI collaboraient autour d’un partage des âges : la
PCS allant vers les enfants et les jeunes souvent en institutions, le SCEJI accompagnant les adultes
comme « association de fidèles », donc autonomes dans ses initiatives, par rapport à l’Evêque.
II : De 2007 à 2016 : une pastorale en évolution du « faire pour » au « faire avec » au « Etre avec »
Que s’est-il passé en 2007 ? L’impact des lois françaises et leur prise en compte par les évêques de
France
La loi de 2002 : loi sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale.
Apparaissent les notions de PROJETS : projet d’établissement à réactualiser tous les 5ans, projet de
vie qui « mixé » au projet d’établissement devient projet personnalisé, réévalué chaque année, le
conseil de vie sociale (Cf. document de synthèse disponible sur Internet)
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées. Elle définit le handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi,
toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une
ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychique, d’un polyhandicap ou
d’un trouble de santé invalidant. » Elle permet de grandes avancées dans 5 domaines : 1 - le droit à la
compensation/le financement du projet de vie, 2 - la scolarité/l’insertion en milieu ordinaire, 3 -l’emploi/la non-discrimination au travail, 4 - l’accessibilité/un environnement pour tous, 5 - les maisons
départementales des personnes handicapées. (Cf. le document de synthèse « Le guide de la Loi »
disponible en ligne et dans les MDPH)
En 2007 : le SCEJI est dissout et la Pastorale des Personnes Handicapées devient la 3eme branche de la
Pastorale Santé (avec les aumôneries des établissements de santé et le Service évangélique des
malades (qui lui ne peut être national car sous la responsabilité directe du curé chargé de la paroisse)
En prenant l’appellation Pastorale DES PERSONNES HANDICAPEES, elle doit prendre en compte le
handicap dans toute sa diversité telle que la loi de 2005 le définit : physique, sensoriel, mental, cognitif
ou psychique, polyhandicap, handicaps associés.
En devenant PASTORALE, elle se trouve directement associée à la charge pastorale de l’Evêque sous la
responsabilité du Délégué Diocésain de la Pastorale Santé (DDPS).
En étant une branche de la Pastorale Santé, elle-même au sein du Service Famille et Société, elle en
accueille les fondamentaux : elle est envoyée auprès des personnes, de leurs familles, des
professionnels ; associations, institutions pour un chemin de compagnonnage et de partenariat.
Présence discrète, parfois silencieuse, écoute, cheminement au pas à pas, attention à la vie spirituelle
enfouie en chacun, dans sa quête de sens, de gratuité et de relation, sont premiers par rapport aux
propositions religieuses.
Un événement déterminant : les assises de la Santé de 2008 autour du « Prendre soin ». Cet événement
rassemble pour la première fois tous les acteurs de la Santé. Ces assises réaffirment avec force que la
Pastorale de la Santé n’est pas la pastorale des malades. Elle se préoccupe de toutes les questions qui
touchent à la santé, telle qu’elle est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : « La santé
est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d’infirmité ». Ces assises définissaient comme axes : être attentifs aux
personnes, à leurs familles et leurs proches, aux professionnels, assurer une présence…, proposer
rencontre, écoute, accompagnement…, Prendre en compte… fragilités, peurs, angoisses, bien-être
physique, moral, spirituel, vivre en équipe… Former et se former…, communiquer.
Ces axes deviennent ceux de la Pastorale des Personnes Handicapées. Ils vont s’articuler peu à peu
autour de trois pôles.
III :
1 : l’attention à la personne handicapée dans son intégralité : entrer en compagnonnage
2 : sensibiliser l’ensemble de l’Eglise à la place de la personne handicapée quel que soit le handicap
3 : susciter des partenariats Eglise/Société – Enjeux de la transversalité et de la laïcité
Ce qui change alors : la prise de conscience de différences et de complémentarités dans le respect des
spécificités de chacun entre PCS et PPH.
La Pastorale des Personnes Handicapées est attentive aux évolutions de la société et veille à s’ajuster
à la dynamique d’inclusion à l’œuvre depuis une dizaine d’années dans la société. La mission en PPH
est de travailler à ce que l’Eglise se transforme pour faire place aux chrétiens qui vivent avec un
handicap. La Pédagogie Catéchétique Spécialisée a pour mission de proposer des pédagogies, outils,
documents adaptés aux personnes de tous âges qui ont une demande religieuse de catéchèse et/ou
d’initiation sacramentelle.
De partenaires privilégiés, PCS et PPH sont désormais situé en transversalité avec pour partenaires
privilégiés les autres branches de leurs services. Cela ouvre un champ nouveau pour inventer d’autres
manières de collaborer, à égalité, dans le respect de la mission et des institutions propres à chacun.
C’est à travers des collaborations sur des questions transversales que l’articulation PPH/Pastorale
Santé peut se vivre (place des aidants/ accompagnement de la vie spirituelle/regard sur la souffrance,
la dépendance/ participation à la communauté chrétienne/etc.)
III : 2016 : un évènement fondateur pour une pastorale inclusive, la rencontre nationale « Avec un
handicap, passionnément Vivants ! »
Un évènement dans la mouvance de « Diaconia » : ne plus « faire pour » mais « faire avec »
Un événement fondateur : donner la Parole et se donner la Parole entre personnes quel que soit le(s)
handicap(s), faire ainsi l’expérience d’un « faire corps » avec nos différences (cf. St Paul). Trop souvent,
en société comme en Eglise, les diverses familles de handicap se regroupent en un entre soi.
Un événement fondateur pour une pastorale inclusive qui a mis au jour trois mouvements : un
mouvement de déplacement : passer de l’entièrement à part à « à part entière », de dehors au dedans,
un mouvement d’inversion : passer de « bénéficiaire » à « contributeur », être reconnu comme
« acteurs », comme personne qui a quelque chose à apporter et pas seulement à recevoir, passer de
récepteur à émetteur, de bénéficiaire à bienfaiteur, un mouvement de conversion : le défi n’est pas
seulement d’entrer et d’être reconnu comme « acteur, mais de faire bouger l’ensemble de la
communauté, l’ensemble des personnes. (Cf. texte de Eléna Lasida 26 mars 2017 –Ecologie-société CEF)
Un évènement fondateur vers désormais un « ETRE AVEC » en société, en Eglise, « être ensemble sel
de la terre, lumière du monde »
IV : De 2016 à…. Etre veilleur et éveilleur pour une Eglise inclusive Quelques points de vigilance :
Qu’il s’agisse de soins ou d’accompagnement médico-social, dans l’approche pastorale, la personne
est au cœur de la mission, avec toute sa dignité, son besoin. La personne handicapée n’est pas un
malade. La personne handicapée n’est pas un « petit ». Elle est comme tout un chacun homme et
femme à part entière tour à tour et tout à la fois avec ses fragilités et ses forces, ses failles et ses
capacités, ses pauvretés et ses richesses, aidée et aidant, soignée et soignant, accompagnée et
accompagnateur. Elle est témoin privilégiée de la force de vie en soi. Des films comme « Patients »,
Grand Corps lui-même et tant d’autres connus et inconnus clament cette envie de vivre.
Leur donner la parole c’est se mettre en chemin d’Emmaüs : c’est entrer en compagnonnage, se
recevoir les uns des autres, se découvrir chacun habité, animé d’un souffle de Vie, d’un souffle d’amour ;
c’est se découvrir ensemble disciples-missionnaires, habités de l’Esprit de Dieu, co-responsable de notre
maison commune, de nos maisons que construisent nos relations familiales, amicales, professionnelles,
d’engagement et de loisirs…
En ce sens, la PPH est partie prenante de l’acte catéchétique particulièrement attentive aux lieux de
vie et aux situations de première annonce (Cf. le TNOC p 85 (3))
Selon les diocèses, les missions confiées par les évêques, l’attention aux personnes handicapées prend
place dans des schémas différents, voire nouveaux. Chaque évêque insuffle une pastorale à partir des
réalités locales de son diocèse : service diaconie et soins, service famille et jeunes, conseil diocésain du
handicap, etc. La mission des RDPPH est au-delà des classifications et organisations. Elle est
l’animation d’un service, d’un réseau, une vigilance constante quant aux enjeux de l’INCLUSION. La
PPH n’aura plus de raison d’être quand cette inclusion se vivra à tous les niveaux, en tous les lieux et
manifestations de notre Eglise. Sa mission ne sera peut-être plus alors que de veiller, de susciter et
d’éveiller à la transversalité pour une Eglise toujours plus inclusive au sein d’une société, elle-même
inclusive en constante évolution.
Ce rôle de veilleur et d’éveilleur ne nous invite pas tant à être des semeurs – le Christ lui seul est le
semeur – qu’à être des moissonneurs (Jn 4, 35), à récolter et à donner en partage les gerbes des
initiatives, des expériences de tout ce qui se vit dans le « Etre avec ».
Que notre pastorale soit bénédiction envers celles et ceux vers qui nous sommes envoyées. Que nous
puissions liés pour nous-mêmes louange et service.
Ce document reprend des extraits du document épiscopat n°5 de 2013 « le handicap et sa perception dans l’Eglise », des
éléments de réflexion partagés en conseil lors du bilan de mission de Claudie Brouillet et avec le conseil actuel
(1) H. Bissonnier, Pédagogie de résurrection. De la formation religieuse et de l’éducation chrétienne des inadaptés, Parie ,
Fleurus, 1966 : « L’enfant, l’être que nous appelons déficient, diminué, infirme, inadapté a d ‘abord besoin d’être estimé. Ce qui est vrai pour tout être humain, est encore plus vrai pour lui. Il a besoin d’être estimé et aimé, non pas tellement à cause de son handicap, mais malgré son handicap. Autrement dit, il veut être aimé et estimé non pas seulement d’un amour de miséricorde et de pitié, et pour ce qu’il a en lui de négatif, de blessé et d’inférieur, mais aussi et surtout d’un amour de prise en considération, voire d’admiration pour ce qu’il y a en lui de valeur positives, d’intact, voire de supérieur en toute vérité, du moins sur certains points et sous certains aspects […] Il est donc aimable, infiniment estimable, cet enfant, et mon estime et mon amour sont la condition préalable de toute vraie efficacité de mon action (p 20-21) »
(2) Mission et compétence du SCEJI, document de l’Assemblée plénière de l’Episcopat – Lourdes, 29 octobre 1981 : « Le SCEJI se met au service de la pastorale diocésaine comme une instance de recherche pour approfondir et éclairer les questions que posent aux chrétiens et aux pasteurs : les enfants et les jeunes en difficulté, les personnes et groupes concernés – parents, professionnels, associations, organisations, établissements. Il est devant l’épiscopat le répondant de la pastorale des enfants et des jeunes en difficulté (handicap ou inadaptation) »
(3) Texte National pour l’Orientation de la Catéchèse en France Edition (Ed Cerf p 82) : « Dans les lieux et regroupements de vie, tous ont d’abord vocation à bâtir un climat qui donne envie d’aller plus loin par une vraie attention à la personne, par souci de susciter et de former des accompagnateurs qui vivent de la foi, par la préoccupation permanente d’ une qualité de relation choisie et constamment relue. Ce sont là des conditions impératives pour la mise en œuvre d’une première annonce.
Sans cohérence entre ce qui est vécu et ce qui est annoncé, sans espace d’expérience où l’annonce prend visage et trouve son authenticité, le ministère de la Parole peut difficilement s’exercer. »