Abbaye de Fontgombault : 75 ans de présence dans le diocèse de Bourges — Diocèse de Bourges

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Abbaye de Fontgombault : 75 ans de présence dans le diocèse de Bourges

L'Abbaye Notre-Dame de Fontgombault fête ce 9 septembre ses 75 ans de présence dans le diocèse de Bourges. Avec des photos d'archives confiées par les moines, redécouvrez le récit de cette installation en Berry.

L’histoire de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault commence en 1091. Bien des vicissitudes viendront émailler sa vie au cours des siècles avant qu’un essaim nombreux venu de l’Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, au cours de l’été 1948, ne rallume le flambeau de la vie monastique interrompue depuis presque 50 ans. Les soixante-quinze années écoulées depuis cet événement représentent peu de chose dans cette longue histoire, mais elles sont pour nous l’occasion de rendre grâces, et de nous remettre entre les mains de Dieu et de sa Providence.

Dès avant la guerre, à Solesmes, on parlait de fondation. Comptant environ 120 moines en 1946, la communauté de Saint-Pierre se trouvait à l’étroit. Le Père Abbé Dom Germain Cozien cherchait pour cette fondation quelque monastère ancien, à l’écart, avec des bâtiments conventuels suffisamment grands pour recevoir dès le départ une communauté nombreuse, et surtout avec une belle église monastique.

L’ancien monastère de Fontgombault, au diocèse de Bourges, répondait à ces conditions ; il fut l’un des premiers projets examinés par le Père Abbé. Dans la vallée pittoresque de la Creuse, s’élevait une vaste et belle église romane, en bon état, les anciens bâtiments conventuels desservis par un cloître, un jardin de quatre hectares enclos de murs, et à quelque distance de l’abbatiale, le bourg de Fontgombault avec son église paroissiale. Un séminaire interdiocésain de vocations tardives y était installé, et le diocèse de Bourges s’était rendu propriétaire en 1939 de la plus grande partie des bâtiments.

Dom Cozien et Mgr LefebvreDans le courant de 1946 le Père Abbé de Solesmes s’ouvrit de son projet de fondation auprès de Mgr Joseph Lefebvre, archevêque de Bourges. L’œuvre du séminaire Saint-Martin représentant alors une lourde charge pour le diocèse de Bourges qui n’y avait que peu de séminaristes, l’Archevêque considéra comme providentielle cette première ouverture ; mais il hésitait à supprimer une maison qui avait rendu de grands services au Berry et à plusieurs diocèses de France. Mgr Lefebvre prit donc le parti de relancer le séminaire Saint-Martin en demandant aux évêques concernés une aide plus efficace. Il fallait donc renoncer pour un temps à l’idée d’une                                           Dom Cozien et Mgr Lefebvre ©AbbayeFontgombault    installation à Fontgombault.

Cependant la situation financière du séminaire de Fontgombault devenait critique et son effectif était tombé à cinquante élèves, dont quatre seulement appartenaient au diocèse de Bourges ; l’Archevêque était maintenant résolu à dissoudre l’Établissement. Le Père Abbé de Solesmes qui avait été informé de ces évènements prit l’initiative d’une nouvelle démarche, et à sa lettre du 2 septembre 1947, Mgr Lefebvre donnait bientôt une réponse favorable. Dès lors, les négociations allèrent rapidement. Les 2 et 3 octobre suivant, Mgr Lefebvre vint à Solesmes pour étudier les modalités du rachat. Il fut aussi convenu que Solesmes entrerait dans la jouissance de l’ensemble des locaux de Fontgombault à la fin de l’année scolaire 1947-1948. Le 18 novembre 1947 le Père Abbé se rendit à Fontgombault où Mgr Lefebvre lui avait donné rendez-vous : ensemble ils examinèrent l’état des lieux.

Le 9 avril 1948, le Père Abbé Cozien fit part au Chapitre de Solesmes des premières nominations à Fontgombault : le Supérieur en sera Dom Édouard Roux. Un premier groupe partira le 12 mai afin de préparer l’arrivée d’un deuxième groupe plus important.

Le 12, c’est donc le départ des quatre premiers membres de la fondation ; les adieux se font dans la cour d’honneur de Solesmes pendant que la cloche “Sancta Maria” sonne à la volée ; on s’entasse dans le camion, déjà bourré de la première dotation de quelques services, et des bagages personnels.

Le départ du camion 12 mai 1948Jusqu’à la fermeture du séminaire, l’ancienne hôtellerie des Trappistes, inoccupée, servira de premier monastère à la petite Communauté : réfectoire au rez-de-chaussée, dans la salle à cheminée, cellules et services embryonnaires à l’étage. La première impression est que nous entrons dans un monastère vaste et riche d’avenir, mais que tout y est sale, négligé et comme laissé à l’abandon ; il faudra une somme considérable de travail pour remettre les lieux en état. L’accueil délicat et empressé réservé aux premiers moines par l’Abbé Baron et ses séminaristes fait oublier cela. Dès le lendemain de l’arrivée, le Père Abbé Cozien est invité à                                                                                  Le départ du camion 12 mai 1948 ©Abbaye Fontgombault
célébrer la messe des séminaristes, et à midi, les moines prennent
place au réfectoire à la table des professeurs. Une des premières paroles de bienvenue adressées par le Supérieur au Père Abbé qui admirait l’église avait été : « Mais c’est vous qui l’avez construite » ; et encore : « Vous revenez chez vous ». Ces bonnes dispositions devaient grandement faciliter notre installation.

Le 16 mai c’est la fête de la Pentecôte. Les moines sont conviés à la grand’messe chantée par les séminaristes. Ils y assistent dans les stalles. Cette assistance ne se fait pas sans quelque distraction, car l’exécution du chant grégorien est ici assez particulière : c’est l’Abbé Bruneau, curé de Pouligny Saint-Pierre, surnommé le “Tonnerre de Pouligny”, à cause de sa voix tonitruante, qui le dirige ; il y met de la technique du Père de Malherbe, en y ajoutant de la sienne propre.

Le rythme de vie des premiers moines, avec ses interminables nettoyages et aménagements dans le domaine qui nous est réservé, continue jusqu’au 14 juillet, date de la fermeture du séminaire. Monsieur l’Abbé Baron souhaite vivement que ces dernières journées du séminaire soient comme un trait d’union entre les cent dernières années de Fontgombault et l’installation des bénédictins. Le Père Supérieur et le Père Cellérier sont invités au repas des adieux, où se trouvent Mgr Pinson, évêque de Saint Flour, Mgr Lagrange, Supérieur du séminaire avant Monsieur l'Abbé Baron et beaucoup d’autres anciens. Bien des jeunes séminaristes prennent congés des Moines, en promettant de revenir un jour. De fait une réunion d’anciens du séminaire aura lieu tous les ans jusqu’en 2013. En juillet 2023 un prêtre du diocèse de Saint-Flour, l'Abbé Jean Chabaud, ancien du séminaire, viendra encore faire sa retraite à l’abbaye à 97 ans !

La communauté au chevet de l'église, avril 1949Nettoyages et aménagements s’intensifient pendant le mois d’août, avant l’arrivée du gros de la Communauté que nous attendons début septembre. Le Père Abbé Dom Cozien avait souhaité tout d’abord que la reprise officielle de la vie bénédictine à Fontgombault pût avoir lieu le 12 septembre, fête du Saint Nom de Marie, patronne de l’Abbaye. Mais le 12 septembre 1948 était un dimanche, et les prêtres du voisinage, retenus par leurs obligations paroissiales, n’auraient pu assister à la cérémonie.

 
La communauté au chevet de l'église, avril 1949 ©AbbayeFontgombault

Le 10 septembre après les Vêpres, Dom Cozien réunissait la Communauté au chapitre : « Il est simple et à la fois solennel, y déclara avec joie le Père Abbé aux fondateurs, de nous trouver réunis ce soir pour la prise de possession officielle et l’ouverture de l’observance monastique régulière dans l’antique abbaye de Notre- Dame de Fontgombault ». Et après avoir exprimé la satisfaction que lui causaient les améliorations réalisées jusque-là dans le domaine matériel, le Père Abbé donnait les noms des vingt-trois moines qu’il appelait à mener la vie monastique dans le cadre ainsi préparé.

Après avoir lu l’autorisation donnée par Mgr Lefebvre, Archevêque de Bourges, pour l’ouverture d’une maison monastique dans son diocèse, le Père Abbé parla assez longuement de l’esprit qui devait animer la nouvelle maison. Le Père Abbé insista plus particulièrement sur l’amour de la clôture et l’esprit de prière.

Le lendemain matin samedi 11 septembre, Mgr Lefebvre arrivait un peu avant 10 heures, accompagné de son Vicaire Général Mgr Baillargeau. Dom Cozien chantait dans le majestueux sanctuaire de l’église la Messe de la Nativité de Notre-Dame. La plupart des prêtres des paroisses voisines, d’anciens professeurs du séminaire, quelques amis et de nombreux fidèles étaient venus partager avec Monseigneur et les moines la joie de voir à nouveau se dérouler dans l’abbatiale la belle ordonnance d’un office bénédictin. Quarante-quatre ans, déjà, s’étaient écoulés depuis le départ des Trappistes, et deux cent sept depuis que Mgr de La Rochefoucauld, Archevêque de Bourges avait, vu son trop petit nombre de moines, déclaré éteinte, le 5 octobre 1741, la communauté bénédictine de Fontgombault.

L'abbé Baron et les premiers moines 15 mai 1948Après le repas, Dom Cozien invitait ses hôtes à venir prendre le café avec la communauté dans la grande salle du premier étage de l’hôtellerie. En quelques mots, il y remerciait vivement Mgr Lefebvre de tout ce qu’il avait fait pour la restauration de la vie bénédictine dans l’antique abbaye, et exprimait à nos amis et bienfaiteurs sa profonde gratitude. Prenant à son tour la parole, Mgr Lefebvre rendait grâces à Dieu dont la Providence l’avait guidé pour faire revivre ce monastère. Dépourvu de moines depuis le départ des Trappistes, le diocèse retrouvait, dit-il, avec la résurrection de Fontgombault, un des centres de louange divine qui y étaient jadis si                                                          L'abbé Baron et les premiers moines 15 mai 1948     nombreux. Fontgombault attirerait sur le Berry les bénédictions de
©AbbayeFontgombault                                                 Dieu, et offrirait aux fidèles, prêtres ou laïcs, un lieu favorable à la                                                                                      retraite et à la prière.

La première étape du nouveau monastère fut en 1953 l’autonomie du jeune prieuré, dont le titre abbatial était désormais relevé. Dom Cozien, Abbé de Saint-Pierre de Solesmes, nomma comme premier Abbé celui qu’il avait placé à la tête du groupe des fondateurs, Dom Édouard Roux. Il put accueillir des vocations prometteuses et enraciner solidement sa communauté avant d’être rappelé à Dieu le 19 mars 1962.

L’élection de son successeur, Dom Jean Roy, marquait le début d’une nouvelle période coïncidant avec le concile Vatican II. Il fallait discerner le chemin pour être fidèle à l’héritage monastique reçu, tout en demeurant un fils très obéissant de l’Église. Cette double fidélité n’alla pas sans épreuves, ni sans bénédictions : quand le Père Abbé, épuisé, fut à Rome, en 1977, brutalement rappelé à Dieu, les vocations s’étaient pressées en si grand nombre qu’il avait dû agrandir les bâtiments, puis entreprendre la fondation de Notre-Dame de Randol, en Auvergne.

Mgr Lefebvre et Dom Roux, 7 octobre 1953Avec l’abbatiat de Dom Antoine Forgeot, son successeur, l’histoire de l’Abbaye a été rythmée par les fondations : Notre-Dame de Triors dans la Drôme en 1984, Notre-Dame de Gaussan près de Narbonne en 1994 (monastère qui s’est transféré depuis à Donezan), enfin Notre-Dame de Clear-Creek en Oklahoma aux États-Unis en 1999. En 2011, Dom Forgeot, sentant le poids de l’âge et le moment venu de passer le flambeau, résigna sa charge. La communauté élit alors Dom Jean Pateau. Deux années plus tard, la reprise de l’Abbaye Saint-Paul de Wisques, fragilisée par l’âge et le tarissement des vocations, par des moines envoyés de Fontgombault, s’est inscrite dans la continuité de ce dynamisme fondateur. Dom Forgeot fut rappelé à Dieu le jour de l’Assomption en 2020.

La première attente d’une communauté, c’est celle de vocations solides et persévérantes, gages d’avenir. Inséparablement, et parce que nul ne vit pour soi dans l’Église, cette attente rejoint les grandes espérances de toute l’Église, en particulier celle d’un renouveau de foi, d’espérance et de joie. Le message de l’Évangile est plus actuel que jamais. Que le Seigneur envoie des prêtres et des laïcs généreux et joyeux à la mission. Notre monde a un urgent besoin de rencontrer le vrai  visage du Christ doux et miséricordieux. Pour cela, il faut que                                Mgr Lefebvre et Dom Roux 7 octobre
nous-mêmes l’ayons rencontré et continuions de le chercher et de le rencontrer.       1953 ©AbbayeFontgombault
Là se tient le message des moines qui portent la bonne nouvelle de l’Évangile non
par ce qu’ils font mais par ce qu’ils sont.

Un moine de Fontgombault

      

Plus d'infos sur l'abbaye Notre-Dame de Fontgombault sur https://www.abbaye-fontgombault.fr/

Crédit photo : ©AbbayeFontgombault